mercredi 18 décembre 2013

La mécanique du coeur... Bientôt !


La mécanique du coeur, roman de Mathias Malzieu, illustré par Benjamin Lacombe, cocktail du bonheur prévu au cinéma le 5 février 2014...


"Il doit rester quelques rêves d’enfant cachés sous mon oreiller, je tenterais de ne pas les écraser avec ma tête lourde de soucis d’adulte."

" Si Cendrillon avait eu une horloge dans le coeur, elle aurait bloqué les aiguilles à minuit moins une et se serait éclaté au bal toute sa vie. "

"Sensation de saut dans le vide, joie de l'envol, peur de s'écraser."
Ça y est, après quelques mois de trêve post-digestion de TFE, je reprends mon blog. 
OLÉ ! 

mardi 15 mai 2012

Junk - Melvin Burgess

LE livre qui a marqué le début de mon adolescence... Je me souviens l'avoir lu pour la première fois d'une traite durant les vacances d'été : une fois les premières pages du livre feuilletées, j'étais plongée dans l'intrigue sans pouvoir m'en sortir.

Ce que j'apprécie dans ce roman, c'est la véracité, le réalisme des propos tenus, ce pouvoir qu'il a d'immerger le lecteur dans le récit et de lui donner l'impression d'être chacun des personnages, de se reconnaître ou de s'identifier à travers lui. Les crises, les shoots, les embrouilles, on les vit à travers Gemma, Nico, Sally... comme si on était avec eux !

Je crois que j'ai rarement été prise d'une telle passion pour un roman comparé à celle que j'ai eue en lisant Junk.

Évidemment, je l'utiliserai sans hésiter avec une de mes classes, non sans une préparation des élèves au préalable.

Avant de lire Junk, il faut être certain d'être assez "fort" psychologiquement, c'est-à-dire avoir un esprit critique et une notion du détachement (ou du recul) déjà bien développés avant d'entamer ce roman...C'est pourquoi je pense qu'il est assez bien adapté pour une classe de 3e générale ou de 4e TQ : ce sont les années durant lesquelles les jeunes vivent leurs premières expériences, s'amusent à frôler l'interdit, commencent à s'identifier à leurs fréquentations qu'elles soient bonnes ou mauvaises... Je soulève ce point car je me souviens en avoir discuté avec une copine de classe, en 4ème secondaire, dans les vestiaires de gym : elle, la lecture de Junk lui avait donné l'envie de découvrir "en vrai" le monde de la drogue...

Ce roman est un roman de prévention, de mise en garde, bien malgré lui...

The Only Ones - "The Beast" - Chapitre 19 : Gemma 

Run from the beast
There's danger in his eyes
He's been looking for you
For a long time
You might think this is funny
But I'm not laughing
I know it couldn't happen to me.

No one doubts the wisdom of this move
You're getting older and you know you got something to prove

Out in the streets
The modern vampire prowls
He's been spreading disease
All around
There's an epidemic
If you don't believe me
You ought to take a look at the eyes of your friends

When someone tempts you, you can't refuse
It's getting colder and you know you got nothing to lose
You need it
Know you got nothing to lose
You need it

Run from the beast
There's darkness in his mind
He's been looking for you
For a long time
You might think this is funny
But I'm not laughing
I know that it couldn't happen to me

I don't care about it happening to me

I've tried to show you your whole life in print
You can lead a horse to water but you can't make him drink
Think about it
All you gotta do is think
About it

There's no cure

Dr. Jekyll & M. Hyde - R. L. Stevenson


Déception ! 

Même si l'histoire est bien construite, dans un style soutenu que j'apprécie, j'ai trouvé le rythme trop lent. Le dénouement tant attendu est enchevêtré dans des descriptions trop fournies et dans un contexte tragique faisant parfois oublier au lecteur que la solution se trouve dans ce bref passage de la lettre de Jekyll.

Je me faisais toute une montagne de ce livre, c'était un peu découvrir "la légende"... Pour finalement constater qu'il est un livre comme un autre : je ne lui ai rien trouvé de particulier ou de sensationnel en le comparant à différentes oeuvres de la littérature du genre. 
La dualité de l'Homme, sa conception manichéenne du monde, un coup classique ! 

Bien que... Je me suis alors posé la question: si l'histoire n'est pas débordante d'originalité, pourquoi a-t-on attribué à cette oeuvre une telle renommée et un tel succès ?

Éléments de réponse fournis par la classe : 
  • Le livre ayant été publié en 1886, le style gothique en littérature a été une première, une innovation qui a séduit le grand public.
  • Les nombreuses adaptations du roman au cinéma et en chanson, bonnes comme mauvaises, en ont fait un classique du genre.


lundi 7 mai 2012

HELL - Lolita Pille


"Désillusionnée avant l'âge, je dégueule sur la facticité des sentiments. 
Ce qu'on nomme l'amour n'est que l'alibi rassurant de l'union d'un pervers et d'une pute, que le voile rose qui couvre la face effrayante de l'inéluctable Solitude. 
Je me suis caparaçonnée de cynisme, mon coeur est châtré, je fuis l'affreuse Dépendance, la moquerie du Leurre universel; Eros planque une faux dans son carquois.
L'amour, c'est tout ce qu'on a trouvé pour aliéner les déprime post-coïtum, pour justifier la fornication, pour consolider l'orgasme. C'est la quintessence du Beau, du Bien, du Vrai, qui refaçonne votre sale gueule, qui sublime votre existence mesquine.
Eh bien moi, je refuse. 
Je pratique et je prône l'hédonisme mondain, il m'épargne. Il m'épargne les euphories grotesques du premier baiser, du premier coup de fil, écouter douze fois un simple message, prendre un café, un verre : les souvenirs d'enfance, les amis communs, les vacances sur la Côte, puis un dîner : les auteurs préférés, le mal de vivre, pourquoi sortir tous les soirs, la première nuit, suivie de beaucoup d'autres, ne plus rien avoir à se dire, baiser pour combler les blancs, ne même plus avoir envie de baiser, se détacher, rester ensemble quand même, s'engueuler, se réconcilier tout en sachant que c'est mort au fond, aller baiser ailleurs, et puis plus rien.

Souffrir."
- Chapitre 6 - pp. 65, 66.



"Ce soir non plus, je ne sortirai pas. J'ai peur de son regard indifférent. J'aère l'appartement, une bouffée d'air frais chasse la fumée du salon, mais pas mes idées noires. 
Chloé est à l’hôpital,  elle a fait une OD. Le père de Cassandre est recherché par la police pour trafic d'armes, il s'est enfui de nuit dans son jet. Cassandre est restée, elle gagne son pain en faisant la serveuse chez Costes, et sa vie en toc en faisant la pute chez Fatien, aux dernières nouvelles, elle se tape carrément le père de Sybille. D'ailleurs Sybille a fait une tentative de suicide, ça plus Vittorio qui s'est barré avec les millions de l'héritage de sa mère, c'était plus qu'elle n'en pouvait supporter. 
Je n'arrive pas à dormir, je mets la chaîne en marche...
Je me souviens de la Calvados, quand le meilleur était encore à venir... Je me souviens de son regard et du visage des musiciens. Je me souviens de ma fuite.
Quelque chose explose en moi, je me redresse en agrippant les draps, je hurle des paroles, ma voix se brise... C'est ma faute. J'ai voulu en finir sous prétexte qu'on se détruisait mutuellement, j'ai été l'artisan de notre échec, j'ai travaillé à mon propre malheur."
- Chapitre 10  - pp. 104, 105


"Le calme. La solitude, enfin. J'ai enfin enfilé un peignoir et je retourne dans la bibliothèque m'affaler sur mon canapé profané. Je reste immobile, devant ma cheminée où ne brûle aucun feu, je fume clope sur clope. Mes yeux sont fixes tournés vers l'intérieur, vers la lueur éteinte d'un passé révolu, vers les images dorées d'un bonheur rectifié. 
N'attendez pas de chute à cette histoire, il n'y en a pas. Il est mort et plus rien n'a de sens pour moi. J'envisage l'avenir comme une éternité de souffrances et d'ennui. Ma lâcheté m'empêche de mettre fin à mes jours. Je continuerai à sortir, à taper, à boire, à persécuter des cons.
Jusqu'à ce que j'en crève. 
L'humanité souffre. Et je souffre avec elle. "
- Dernier  chapitre, dernière page.


LOLITA PILLE, Hell, éd. Le Livre de Poche, Paris, 2009.





*Harmonie du soir


Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
Les Fleurs du mal - Spleen et Idéal - Charles Baudelaire



mercredi 22 février 2012

L'affaire Jennifer Jones, d'Anne Cassidy

Après la lecture des premières pages du livre, j'avais noté quelques commentaires sur un bout de cahier :
 - J'avais trouvé cela dommage que le suspense ne dure pas longtemps : dès le début, j'avais fait le lien entre Alice Tully et Jennifer Jones.
- Personnage attachant et compliqué psychologiquement.
- Style d'écriture agréable, j'aime la façon dont les faits sont présentés.

Malgré les quelques points négatifs comme le manque de suspense, le personnage de Frankie que j'ai trouvé "creux" et pas assez développé (même si le but du livre n'est pas d'être une histoire d'amour), j'ai dévoré Jennifer Jones.
Pour moi, il fait partie de ces livres qu'on lit d'une seule traite, en une journée. Ces livres qu'on ne peut pas lâcher, qu'on lit en mangeant, dans son bain, puis finalement jusqu'à 3 heures du matin pour atteindre la dernière page avant de dormir. Ces livres qu'on est déçu de refermer et de ranger dans une bibliothèque tant leur lecture nous a plu, tant on n'aurait pas voulu qu'ils s'arrêtent.
Evidemment, je conseille ce livre, comme la plupart de mes camarades de classe, surtout à des adolescents pour lesquels l'esprit critique et le libre arbitre sont en train de naître et d'adopter leurs multiples facettes.
Je pense qu'il serait très intéressant d'organiser un cercle de lecture sur Jennifer Jones dans une classe de secondaire, car les réactions peuvent s'avérer très variées et riches en contrastes.
J'imagine aussi que nous pourrions organiser le procès grandeur nature de Jennifer Jones : les élèves seraient juges, composeraient le jury, un d'entre eux serait l'accusé, l'autre l'avocat, d'autres les parents de la victime, etc.
Nous pourrions aussi voir la presse grâce à ce livre et demander aux élèves d'écrire un article sur l'Affaire Jennifer Jones, non pas le livre, mais le sujet de celui-ci, comme si le crime était réel et actuel.

Soit, pour moi, ce livre est une découverte dont je me réjouis et que je garde dans un petit tiroir de ma tête : je me ferai un plaisir de l'exploiter lorsque j'aurai ma propre classe !


Petite merveille pour aborder le théâtre en classe...

Lors de mon stage précédent, j'ai eu le théâtre comme sujet principal. Comme introduction, j'ai eu comme première idée de plonger les élèves directement dans le feu de l'action, en leur faisant découvrir une pièce adaptée (et non pas un de ces grands classiques qu'ils ont tendance à trouver rébarbatifs rien qu'à la vue du titre...).
Donc, direction "La Parenthèse", étagère théâtre. Premier livre dans lequel je poigne : "Marie des grenouilles" de Jean-Claude Grumberg, et c'est le coup de foudre.
Dès la lecture des premières lignes, je suis conquise : beaucoup d'humour et de tendresse, dans une langue certes un peu désuète mais utilisée de façon fort intéressante dans le contexte de la pièce.
Mais, je cesse d'essayer de vous vendre ma camelote dès maintenant, voyez plutôt l'extrait que j'ai abordé avec les 2e ci-dessous :


Marie des grenouilles
Dans un pays aussi lointain qu’imaginaire, le roi va mourir. L’ennemi est aux portes du royaume. Marie des grenouilles doit sauver le pays en trouvant un prince charmant dans le monde des grenouilles. Mais, sans fée ni baguette magique, le monde des batraciens est aussi noir que celui des hommes. Marie découvre enfin le prince brillant, qui, en lieu et place de la guerre, propose la paix, « qui est bonne pour tout le monde ».


L’auteur en quelques mots…
Jean-Claude Grumberg est né en 1939. Son père est mort en déportation. Après avoir exercé divers métiers, il devient comédien. L’écriture théâtrale commencée en 1968 le conduit à mettre en scène notre histoire moderne et sa violence, dont sa trilogie sur le thème du génocide (Dreyfus (1974), L’Atelier (1979)  et Zone libre (1990). J.-C. Grumberg est aussi scénariste pour le cinéma et la télévision. Il a reçu deux Molière du meilleur auteur pour Zone libre en 1991 et L’Atelier en 1999, pièce également récompensée par le grand prix de la SACD.

Les personnages :
Le conteur
Le roi
Le chambellan
Cunegonda
Virginita
Marie
Le prince sanguinaire du Mexique
Le prince brillant
L’ennemi
La fée
Et des grenouilles…

LE CONTEUR

Dans la nuit des temps, dans l’obscurité des âges, lorsque la terre n’était encore que forêts bien sombres coupées de lacs, d’étangs et de mares, les grenouilles que la Très-Haute dans sa sagesse avait créées à son image s’épanouissaient et prospéraient, pacifiques et solidaires, dans le calme des eaux, sous la verdure des rameaux, à l’ombre des nénuphars.
Hélas, bien vite les grenouilles se divisèrent et se diversifièrent. On en vit apparaître des vertes, des rousses, des tachetées, des rayées, des moirées, des phosphorescentes, des muettes et des chanteuses, géantes ou microscopiques, communes ou rainettes, toutes se prétendant seules faites à l’image de la très haute et divine grenouille. 
Bientôt les grenouilles mâles et femelles, toutes boursouflées de haine, finirent par se mener une guerre incessante, chacun chacune tentant d’occire ou d’asservir les autres. Ulcérée et amèrement déçue de ses créatures, la Très-Haute, dans sa sagesse, expédia près des mares, lacs et étangs des nuées de fées afin de changer en hommes les plus belliqueuses d’entre elles.
Bien vite la quiétude revint près des nénuphars. Les grenouilles organisèrent leur territoire, chaque espèce selon ses qualités et ses goûts se vit dotée d’une parcelle sur les berges avec accès direct à l’eau, les nénuphars restant accessibles à toutes. Las, les grenouilles agressives, une fois changées en êtres humains, se comportèrent sur la terre comme elles étaient comportées dans l’eau. Bientôt, ce ne fut pas par les bois et les champs qu’insultes et malédictions, blasphèmes et sarcasmes, haine, haine et haine.  Chacun chacune raillant la couleur de l’autre et jusqu’à son odeur, chacun chacune se traitant d’affreux crapaud avant de se jeter l’un sur l’autre pour en découdre, toujours au nom de la Très-Haute. Celle-ci alors renvoya des fées avec mission de retransformer et de réexpédier les meneurs les plus violents à l’ombre humide des étangs. Ainsi, au fil des premiers âges, tantôt grenouilles, tantôt humains, les plus belliqueux d’entre tous régnèrent sur l’un et l’autre monde, l’aquatique et le terrestre. Bientôt la discorde régna partout, tant sur la terre ferme que sur les étangs. La Très-Haute détourna alors son regard loin des mares et forêts, des plaines et des villages, les fées cessèrent de transformer les grenouilles en princes, charmants ou non, et les sorcières se lassèrent de retransformer les princes charmants en grenouilles, voire en crapauds chanteurs.
C’est en ce temps de désordres, de tristesse et de troubles que commence notre histoire.

À la cour du roi.
LE CONTEUR
Il était une fois dans un pays lointain un roi qui sur son lit de mort gémissait. Il fit venir tout son peuple et lui dit :

LE ROI
Mes enfants, je vais mourir, hélas je n’ai pour me succéder que des filles, l’une d’entre elles régnera, mais alors l’ennemi, sachant que vous n’êtes plus protégés par le bras d’un roi fort et vigoureux, envahira notre beau pays, pillera vos maisons…
Il sanglote.
LE CHAMBELLAN
(affolé)

Que faut-il faire, ô grand roi ?

LE ROI
Il faut que ma fille aînée et très aimée Cunegonda trouve parmi les grenouilles qui coassent dans les douves du château la grenouille de sang royal qui n’attend qu’un chaste baiser virginal pour redevenir un grand noble et preux prince charmant. Oh ! Je meurs…

LE CHAMBELLAN
Vite, qu’on aille quérir les grenouilles afin qu’une à une la princesse les baise.

CUNEGONDA
Jamais, jamais je ne poserai mes royales lèvres sur des rotondités baveuses et boutonnantes ! Jamais !

LE CHAMBELLAN
Même s’il s’agit de sauver le royaume et d’obéir aux royales volontés de feu votre royal paternel ?

CUNEGONDA
Je préfère renoncer au trône et ne me jamais marier.

LE CHAMBELLAN
(se tournant alors vers la seconde fille)
Virginita, princesse cadette et non moins aimée, après l’âpre renoncement de votre aînée, êtes-vous prête à tout faire pour régner et sauver le royaume ?

VIRGINITA
Je suis prête.
LE CHAMBELLAN

Vite, les grenouilles !
VIRGINITA
Je suis prête à embrasser toutes les grenouilles et tous les crapauds que vous aurez la bonté, noble chambellan, de me présenter, mais hélas je crains que ce ne soit en pure perte. N’est-il pas exigé de l’embrasseuse qu’elle n’ait jamais embrassé auparavant ?

LE CHAMBELLAN
Auriez-vous déjà embrassé, princesse ?
(Elle baisse les yeux. Le chambellan, avec espoir.)
Des grenouilles ?
(Virginita fait non de la tête.)
Des garçons ?
(Elle approuve. Le chambellan, écrasé de douleur.)
Ciel ! Enfer ! Malédiction et tout et tout…
(Silence pesant, prolongé et désolant.)
Seriez-vous prêtes, princesses, l’une d’entre vous tout au moins, à épouser l’ennemi quand il se présentera ?

TOUTES LES DEUX
Jamais !
CUNEGONDA
La dépouille mortelle de notre illustre père n’est pas encore ensevelie que déjà vous nous faites des propositions contraires à l’honneur et à la glorieuse histoire de notre lignée glorieuse !

VIRGINITA
Honte sur vous, chambellan !

LE CHAMBELLAN
Fort bien, dans ce cas qu’on aille quérir Marie des grenouilles et qu’on lui offre le trône !

VIRGINITA ET CUNEGONDA
(d’une seule voix.)
Marie des grenouilles ? Le trône ?

CUNEGONDA
Cette souillon n’est pas de sang royal, que je sache…

LE CHAMBELLAN
Détrompez-vous, princesse aimée, votre père l’engendra un soir d’ivresse. Après ripaille, il tomba dans les douves et…
VIRGINITA
Ne me dites pas que la mère de Marie des grenouilles est elle-même batracienne ?

Le CHAMBELLAN
Non, c’était la souillonne des grenouilles en ce temps.

CUNEGONDA
La souillonne ?

LE CHAMBELLAN
Celle qui comme Marie aujourd’hui a pour mission de faire taire les grenouilles qui coassent la nuit dans les douves afin que le roi et sa cour puissent dormir tout leur saoul sur leurs deux oreilles.

CUNEGONDA
Comment les fait-elle taire ?
LE CHAMBELLAN
En les frappant dès qu’elles chantent d’un coup de rame sur la tête. Mais voilà Marie, souillonne des grenouilles.
Approche, ne crains rien.
CUNEGONDA
Pouah ! Elle est verdâtre.

VIRGINITA
C’est Marie des crapaudes, oui.

CUNEGONDA
Elle sent la vase à plein nez…

LE CHAMBELLAN
Sois la bienvenue.

MARIE
(tremblante)
Côa ? Côa ? Côa ?

LE CHAMBELLAN
Ne parlerais-tu plus langue humaine ?

MARIE
Qu’si, qu’si, qu’si !
Elle fait d’énormes bulles.
Les princesses pouffent.

LE CHAMBELLAN
Sache, Marie des grenouilles, que tu es fille de roi.

MARIE
(elle s’en étrangle)
Côaaa ? Côaaa ? Côaaa ? Côaaa ?


LE CHAMBELLAN
Et que si tu consens à baiser sur la bouche le prince charmant qui végète à coup sur dans l’eau de nos douves sous la peau d’une grenouille, tu régneras. Il deviendra notre roi bien-aimé et toi notre reine.

MARIE
Reinette, je préfère.

LE CHAMBELLAN
Soit, reinette, mais presse-toi, j’entends déjà l’ennemi fourbir ses armes.

MARIE
Je vais les baiser toutes, grenouilles et crapauds aussi s’il le faut.

LES DEUX SŒURS
Pouah !
(Elles en crachent de dégoût.)
Quelle dégoûtation !

LE CHAMBELLAN
Avant tout, ôte-moi d’un doute : as-tu déjà embrassé ?

MARIE
J’ai déjà embrassé et de bon cœur.

LE CHAMBELLAN
(mort de crainte)
Des garçons ?

MARIE
Non, des grenouilles.

LE CHAMBELLAN
(soulagé)
Ah ! Et aurais-tu déjà au hasard de tes chastes baisers libéré un prince charmant preux et vaillant ?

MARIE
Jamais, mais il faut dire que je n’y pensais pas.

LE CHAMBELLAN
Penses-y désormais, baise avec ardeur en prononçant cette formule magique : « Noble grenouille, si prince tu fus, que ce chaste baiser te rende forme humaine. »

Fin de l'extrait. 

Les 2e ont mordu à l'hameçon, et l'introduction au théâtre a cartonné : tous ont voulu participer, les conseils pour l'interprétation ont fusé de partout, et la leçon est partie comme sur des roulettes ! 

mercredi 4 janvier 2012

Et puis... et puis... et puis il y a Frida, qu'est belle comme un soleil (...)!



http://www.youtube.com/watch?v=rjnjS9efeMQ (Buena Vista Social Club - Chan chan)


A travers Frida Kahlo, ma peintre préférée parmi tous, je vous présente deux de mes passions : la peinture et la culture latino-américaine.
L'image ci-dessus est un autoportrait peint par l'artiste en 1944 intitulé "La Colonne brisée". C'est une de mes oeuvres préférées (bien que je les aime presque toutes) car si on observe le tableau de près, on peut voir tout un tas de petits détails nous renseignant sur la vie de Frida. Le tableau porte ce nom car à 18 ans, en revenant de l'école, l'artiste a eu un grave accident de bus qui l'a paralysée au niveau de la colonne. Elle a représenté cet évènement de sa vie dans ce tableau par une colonne antique fêlée (parallèle avec sa colonne vertébrale), un corset, et tout un tas de clous plantés un peu partout dans son buste qui représentent la douleur permanente (aussi bien morale que physique) qu'elle ressentait après son accident. Le désert derrière elle est une métaphore de sa vie car elle a du rester alitée à son domicile durant de nombreux mois suite à son accident. On peut aussi voir des larmes de tristesse couler de ses yeux en abondance. 

Ce qui me touche également dans ce tableau, c'est la vraisemblance avec son auteur : 


Elle était appréciée pour son authenticité et sa profondeur par ses proches. Lorsqu'on compare ses nombreux autoportraits à des photographies d'elle, je trouve qu'ils sont "vrais", qu'ils la représentent telle qu'elle est. Elle n'a pas cherché à s'embellir, ou a modifier ses traits. Pourquoi ? Parce qu'elle était extrêmement fière de représenter sa culture et ses origines (ses sourcils épais sont sa caractéristique principale, ainsi que ses longs cheveux noirs, souvent tressés dans autres tableaux).

 Ce qui me plait également, c'est la franchise et l'honnêteté avec laquelle elle nous livre sa vie et son ressenti à travers des images fortes : 



Ce tableau fait office de biographie de Frida : elle y a représenté tous ses êtres chers sur les côtés, qui sont classés en plusieurs niveaux (en partant du bas, on peut voir le monde des "vivants", séparés par des squelettes faisant office de frontière (= la mort) avec le monde du divin (symbole de la foi de l'artiste)). Comme thème central, on voit un foetus et un nourrisson : ils représentent la plus grande déception de Frida, qui est de ne jamais avoir eu d'enfant avec l'homme de sa vie (facteur d'autres de ses souffrances car il était volage, inspirant ainsi de nombreux autres tableaux) et son mentor, Diego Rivera. Pourquoi a-t-elle choisi de représenter les enfants de la sorte ? Le foetus est un symbole de ses nombreuses fausses couches (6, si je me souviens bien...) et le nourrisson symbole du bébé mort-né à qui elle a donné naissance quelques années auparavant. 

Mais, pourquoi j'en suis venue à vous parler de Frida Kahlo ? 

Tout simplement parce que je suis tombée sur cet album dans un rayon de livres destinés aux enfants:

"Frida et Diego au Pays des Squelettes" de Fabian Negrín, chez Seuil Jeunesse. 

Les illustrations sont magnifiques et très colorées (les couleurs employées sont typiques de la culture mexicaine) et le livre est construit sur base d'éléments biographiques de l'artiste et de ses oeuvres. Petit clin d'oeil aux amateurs de la Sra Kahlo, qui feront des parallèles et des liens tout au long du visionnage (parce que dans ce cas, on parle plus de visionnage que de lecture) de l'album. 

Cependant, l'endroit où je l'ai trouvé laisse penser qu'il est exclusivement destiné aux enfants, et, selon moi, cet ouvrage est inapproprié car si on ne connait pas un minimum la peintre, l'histoire même du livre est illogique, voire incompréhensible pour des enfants... 
Mais cela, c'est à vous d'en juger également ! :)