lundi 7 mai 2012

HELL - Lolita Pille


"Désillusionnée avant l'âge, je dégueule sur la facticité des sentiments. 
Ce qu'on nomme l'amour n'est que l'alibi rassurant de l'union d'un pervers et d'une pute, que le voile rose qui couvre la face effrayante de l'inéluctable Solitude. 
Je me suis caparaçonnée de cynisme, mon coeur est châtré, je fuis l'affreuse Dépendance, la moquerie du Leurre universel; Eros planque une faux dans son carquois.
L'amour, c'est tout ce qu'on a trouvé pour aliéner les déprime post-coïtum, pour justifier la fornication, pour consolider l'orgasme. C'est la quintessence du Beau, du Bien, du Vrai, qui refaçonne votre sale gueule, qui sublime votre existence mesquine.
Eh bien moi, je refuse. 
Je pratique et je prône l'hédonisme mondain, il m'épargne. Il m'épargne les euphories grotesques du premier baiser, du premier coup de fil, écouter douze fois un simple message, prendre un café, un verre : les souvenirs d'enfance, les amis communs, les vacances sur la Côte, puis un dîner : les auteurs préférés, le mal de vivre, pourquoi sortir tous les soirs, la première nuit, suivie de beaucoup d'autres, ne plus rien avoir à se dire, baiser pour combler les blancs, ne même plus avoir envie de baiser, se détacher, rester ensemble quand même, s'engueuler, se réconcilier tout en sachant que c'est mort au fond, aller baiser ailleurs, et puis plus rien.

Souffrir."
- Chapitre 6 - pp. 65, 66.



"Ce soir non plus, je ne sortirai pas. J'ai peur de son regard indifférent. J'aère l'appartement, une bouffée d'air frais chasse la fumée du salon, mais pas mes idées noires. 
Chloé est à l’hôpital,  elle a fait une OD. Le père de Cassandre est recherché par la police pour trafic d'armes, il s'est enfui de nuit dans son jet. Cassandre est restée, elle gagne son pain en faisant la serveuse chez Costes, et sa vie en toc en faisant la pute chez Fatien, aux dernières nouvelles, elle se tape carrément le père de Sybille. D'ailleurs Sybille a fait une tentative de suicide, ça plus Vittorio qui s'est barré avec les millions de l'héritage de sa mère, c'était plus qu'elle n'en pouvait supporter. 
Je n'arrive pas à dormir, je mets la chaîne en marche...
Je me souviens de la Calvados, quand le meilleur était encore à venir... Je me souviens de son regard et du visage des musiciens. Je me souviens de ma fuite.
Quelque chose explose en moi, je me redresse en agrippant les draps, je hurle des paroles, ma voix se brise... C'est ma faute. J'ai voulu en finir sous prétexte qu'on se détruisait mutuellement, j'ai été l'artisan de notre échec, j'ai travaillé à mon propre malheur."
- Chapitre 10  - pp. 104, 105


"Le calme. La solitude, enfin. J'ai enfin enfilé un peignoir et je retourne dans la bibliothèque m'affaler sur mon canapé profané. Je reste immobile, devant ma cheminée où ne brûle aucun feu, je fume clope sur clope. Mes yeux sont fixes tournés vers l'intérieur, vers la lueur éteinte d'un passé révolu, vers les images dorées d'un bonheur rectifié. 
N'attendez pas de chute à cette histoire, il n'y en a pas. Il est mort et plus rien n'a de sens pour moi. J'envisage l'avenir comme une éternité de souffrances et d'ennui. Ma lâcheté m'empêche de mettre fin à mes jours. Je continuerai à sortir, à taper, à boire, à persécuter des cons.
Jusqu'à ce que j'en crève. 
L'humanité souffre. Et je souffre avec elle. "
- Dernier  chapitre, dernière page.


LOLITA PILLE, Hell, éd. Le Livre de Poche, Paris, 2009.





*Harmonie du soir


Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
Les Fleurs du mal - Spleen et Idéal - Charles Baudelaire



2 commentaires:

  1. Ouais mais à cause des méééchants (= pas très gentils) prôfesseurs de la Hôte Ecole j'ai pas le temps de lire ton lif ki as l'airt tros coule..

    RépondreSupprimer
  2. Quelle écriture écorchée, déchirée... belles citations, et juxtaposition intéressante...

    (Romain : c'est qui les méééchants, hein dis !)

    RépondreSupprimer